mardi 2 février 2016

Sermon de Luc 5

Sermon sur Luc 5, 1-11 que j’ai tenu en grande partie le 4 mai 2003 dans le culte d’installation de nouveaux Conseillers Presbytéraux, d’accueil officiel dans notre Eglise de Madame Corinne Meyer et du baptême d’adulte de Madame Audrey Murray:

            « Comme Jésus se trouvait auprès du lac de Génésareth, et que la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, il vit au bord du lac deux barques, d'où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. Il monta dans l'une de ces barques, qui était à Simon, et il le pria de s'éloigner un peu de terre. Puis il s'assit, et de la barque il enseignait la foule. Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon: Avance en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit: Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais, sur ta parole, je jetterai le filet. L'ayant jeté, ils prirent une grande quantité de poissons, et leur filet se rompait. Ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de venir les aider. Ils vinrent et ils remplirent les deux barques, au point qu'elles enfonçaient. Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus, et dit: Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. Car l'épouvante l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche qu'ils avaient faite. Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Alors Jésus dit à Simon: Ne crains point; désormais tu seras pêcheur d'hommes. Et, ayant ramené les barques à terre, ils laissèrent tout, et le suivirent ».

            Le récit de la pêche miraculeuse et de l’envoi en mission des premiers disciples m’a accompagné tout au long de ma vie de témoin de Jésus Christ. A chaque étape, je découvrais une nouvelle richesse dans cet évangile consacré à recevoir et à transmettre l’appel du Sauveur.
            Quand j’ai fréquenté l’Ecole du Dimanche, j’ai été captivé d’abord par la monitrice qui narrait cette histoire comme un conte de fée et ensuite par la révélation du pouvoir miraculeux de Jésus qui a comblé le manque à gagner des pêcheurs, qui a récompensé magnanimement le service que Pierre lui a rendu, qui a rendu Dieu si proche que Pierre et ses compagnons en ont eu peur.
            A la confirmation, dans les colonies de vacances et les camps de jeunes, je me suis laissé appeler par Jésus à son service. J’ai alors appris à la faculté de théologie, ce que signifiait au juste la pêche aux hommes.
            En Mésopotamie et en Egypte au temps des Pharaons, la souveraineté d’un dieu s’exprimait par l’image du filet. Bien des sculptures représentaient la divinité, tenant dans sa main un filet où il pouvait emprisonner à sa guise ses ennemis. Une statue du dieu Baal le représente tenant dans sa main gauche un filet qui se refermait sur ses adversaires ; de sa main droite, il frappait sur eux avec son gourdin levé en signe de victoire.
            Dans l’Ancien Testament, le filet est  symbole de la colère de Dieu, non pas contre ses ennemis, mais contre les siens, lorsqu’ils étaient devenus rebelles à ses exigences du bien vivre ensemble. Pour le prophète Esaïe, « L’Eternel des Armées est un filet et un piège pour les habitants de Jérusalem ». (8, 14)  Le prophète Jérémie avait également prédit que les infidèles seraient faits prisonniers par des pêcheurs et des chasseurs qui les capteront dans leurs filets.  (16, 16)  Job s’était plaint de Dieu, en disant à ses amis : « Sachez que c’est Dieu qui me poursuit et qui m’enveloppe de ses filets ». (19, 6)
            Lorsque Jésus répondit à la peur du sacré qui avait pétrifié Pierre : « Ne crains pas, désormais tu seras pêcheur d’hommes », voulait-il faire du pêcheur de poissons un chasseur de têtes qui capture les hommes pour les rendre dociles ?
            Vous-mêmes, vous sentez-vous embrigadés par l’Eglise, la religion est-elle votre opium ? Etes-vous à la solde et à la botte d’un Dieu gendarme qui vous surveille, punit et dresse ?
            Personnellement, je n’ai pas choisi de devenir pasteur pour attraper qui que ce soit. Les chiffres et l’ordinateur obéissent au doigt et à l’œil, mais non pas les humains créés libres et dont la liberté de conscience ne peut être ravie par personne. Jésus a choisi délibérément l’image de la  chasse et de la pêche à l’homme pour prendre le contre-pied de l’Ancien Testament et des religions ancestrales et faire comprendre à Simon Pierre et à ses acolytes que Dieu ne domine pas avec le filet  de la colère comparable à celui de l’oiseleur ou du pêcheur, mais avec le filet de la grâce, comparable au filet de sauvetage sous les trapézistes au cirque ou au filet du trampoline qui permet de tomber pour mieux s’élever. La seule façon dont l’adepte de Jésus puisse désormais se mettre à la recherche d’autres hommes n’est ni la vengeance, ni la crainte, ni le lucre, mais le partage, la paix et la guérison dans tous les domaines de la vie humaine. Ce qu’il faudrait chasser, c’est les « démons », les animosités et les vices.
            Durant  mon étape professionnelle, j’ai découvert un troisième enseignement de notre texte. Ce sont les moyens astucieux qui ont permis à Jésus de capter l’attention d’un nombreux public ! Pour gagner et l’attention et le cœur de ses auditeurs, Jésus s’est éloigné du rivage dans une barque pour prêcher comme dans un amphithéâtre à des gens assis sur les pentes qui bordent le lac de Génézareth. Ainsi, sans micro évidemment,  sa voix portait et était amplifiée. Aujourd’hui encore, tous les moyens audio-visuels, les mails, les SMS, et j’en passe, sont bienvenus et perfectibles pour que le message libérateur et gratuit de l’amour de Dieu révélé en Jésus Christ touche oreilles et cœurs.
            Le quatrième message, c’est celui du cantique qui proclame : « Tu peux naître de nouveau, tu peux tout recommencer, balayer ta vie passée, et repartir à zéro ». Le théologien et philosophe danois Soeren KIRKEGAARD, le père de l’existentialisme, a écrit un long chapitre sur la re-prise au cours de l’existence personnelle. Pour lui, re-prendre, ré-péter, persévérer vaut mieux qu’étrenner, de découvrir, d’en rester à la surprise. Par exemple, il ne conseille pas d’être comme Don Juan et d’abandonner une conquête pour gagner un nouveau baiser ; qui trop embrasse, mal étreint. Il fait lui-même l’expérience qu’après des trouvailles plaisantes qui pourraient être suivies de désenchantements, la fête des retrouvailles reste possible. Mais il souhaite en même temps qu’après une période de deuil, une reprise de vie amoureuse soit possible, qu’après un échec de vie de couple, une famille plus gratifiante se recompose, qu’après une « décompensation », des compensations soient recherchées et trouvées. On a le droit de rebondir et de « refaire sa vie ».
            Au niveau communautaire, nous sommes obligés d’observer que les phénomènes actuels comme la déchristianisation soutenue en Europe, comme l’athéisme si bien défendu par le philosophe Albert Camus qui prône le courage à lutter en réponse aux absurdités de la vie,  comme la mise en question de la foi en la résurrection de Jésus, comme « la foi sans la messe » (selon ce titre d’un livre des années 60), que toutes ces remises en question peinent, découragent, dépriment jusqu’aux responsables des paroisses et des institutions ecclésiales. Les professionnels et les laïques s’étaient engagés à nourrir bibliquement et spirituellement les catéchumènes et les fidèles, même à gagner des âmes en étant inventifs. Ils ont « pêché », sans péchés, selon les règles de l’art, mais leurs efforts ont été vains. A l’Eglise qui jette l’éponge et qui dit avec les mots du prophète qui a prêché dans le désert : « C’est en vain que j’ai travaillé, c’est pour le vide et le néant que j’ai consumé ma force », (Esaïe 49, 4), Jésus Christ demande de persévérer, de réfléchir pour infléchir la tendance, de remettre cent fois sur le métier son ouvrage, de retourner à la pêche, de semer largement sa Bonne Nouvelle, de prier sans cesse le maître d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. Dans la phase intermédiaire où nous nous trouvons, peut-être ne pourrons-nous pas pêcher au filet comme dans l’Eglise Primitive ou dans les Eglises actuelles des autres continents, mais seulement pêcher à la ligne, tel distancé ou telle brebis perdue. Qu’importe, intériorisons le titre encourageant qu’a donné avec humour le pasteur Alphonse MAILLOT  à son second recueil de sermons: « Je retourne à la pêche ».
            L’apôtre Paul, après avoir été transformé par sa rencontre du Ressuscité sur le chemin de Damas, vous  réassure à la fin du long chapitre de 1 Corinthiens 15 où il veut convaincre de la résurrection des morts: « Mes frères (et Sœurs) bien aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur ». Au début de sa lettre aux Philippiens, il vous promet : « Celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus Christ ».

            Jean Louis DECKER, pasteur auteur-compositeur, a composé un cantique sur l’appel par Jésus de ses douze disciples (Recueil Alléluia 55-04) dont le refrain nous répercute l’invitation du Christ : « Venez à ma suite, venez, venez à ma suite, venez, je vous ferai pêcheur d’hommes, pêcheur d’hommes ». Ainsi soit-il. 

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